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En m’intéressant à la nature à Paris, je me suis vite rendue compte que les abeilles et leurs ruches n’étaient jamais très éloignées des jardins et des jardiniers. J’avais entendu parler des ruches de l’Opéra de Paris mais ma connaissance des abeilles dans la capitale s’arrêtait là. J’étais loin d’imaginer qu’en réalité, il y avait disséminé un peu partout dans la ville près de 1000 ruches. Sur les toits des grands monuments, de quelques grosses entreprises et hôtels, dans les jardins partagés, les fermes urbaines et même sur certains balcons. Bref, Paris regorge de ruches ! Et cela va sans doute aller en augmentant car la ville de Paris veut durant sa mandature augmenter la place de la nature à Paris. Aujourd’hui tous les propriétaires de ruches doivent les déclarer auprès de DDIPP (direction départementale interministérielle de la protection des populations de Paris). La déclaration peut se faire en ligne ici.
Qui dit abeilles dit apiculteur. Tout de suite, j’ai eu envie d’en rencontrer un. C’est ainsi que j’ai contacté Hervé Garouel, président de l’association « Rue des abeilles ». Cette association travaille au développement de l’apiculture en milieu urbain. Hervé gère une quarantaine de ruches à Paris et en province, propose des formations à l’apiculture de loisir et organise de nombreuses interventions pédagogiques auprès du grand public. Il m’a embarqué pour une visite de pré-hivernage dans trois endroits assez incroyables : le toit d’une usine à Gennevilliers, la Ferme du bonheur à Nanterre et les Grands voisins dans le XIVème arrondissement de Paris. Si le premier n’est pas accessible au public, je vous recommande chaudement d’aller faire un tour au Grand Voisin, ancien hôpital qui en attendant sa réhabilitation en éco-quartier, est devenu un véritable lieu de vie mixant starts-up de l’économie sociale et solidaire, associations, personnes en précarité, touristes, riverains. Le lieu est ouvert à tous. Je ne connaissais pas la Ferme du bonheur. Mais là aussi quelle surprise ! Au milieu des immeubles, Hervé m’a fait découvrir cette ferme hors du temps, totalement bohème qui porte si bien son nom. Hervé y fait régulièrement des interventions.
« Je suis artisan peintre et apiculteur par passion depuis une quinzaine d’années. J’avais acheté des bouquins que j’avais mis de côté en me disant que je ferai ça un jour quand je serai vieux. Une idée en l’air ! J’ai ouvert une usine que j’ai fermée il y a quelques années puis j’ai travaillé pour une grosse boîte. Celle où l’on va aller à Gennevilliers. En dehors de mon métier, ma grande passion est la plongée sous-marine. Je suis moniteur. En vieillissant, je me suis dit que j’allais sans doute devoir y renoncer et que j’allais me retrouver avec un grand vide. J’ai donc décidé de me mettre à l’apiculture. J’ai suivi une formation à la Société centrale d’apiculture avec un merveilleux professeur. Comme j’étais artisan et que je pouvais gérer mon temps comme je le voulais, j’ai pu faire tous les voyages apicoles organisés par l’école au printemps dans toute la France. J’ai rencontré de grands apiculteurs.
A la suite de cela, j’ai créé mon association, « Rue des abeilles ». Avec quelques apiculteurs, nous avons organisé des événements pour nous faire connaître. J’ai rencontré des élus qui m’ont proposé d’installer des ruches sur le toit d’un hôpital, puis ensuite sur le toit d’un collège pour permettre aux enfants d’observer les abeilles. Je fais des animations à la ferme du bonheur à Nanterre. J’ai aussi deux colonies sur le toit de Genneviliers. Je ne suis pas encore professionnel. Pour moi cela reste une passion car il est difficile d’en vivre. Je m’occupe d’une quarantaine de ruches à Paris et en Eure et Loire. Là-bas, je travaille avec des boulangers paysans. J’ai installé mes ruches dans leur champs. Je fais du miel de sarrazin. J’échange le miel contre de la farine bio et je fais mes pains d’épice. J’ai une recette d’enfer ! Je me suis aussi regroupé au sien d’un collectif Paris l’abeille avec deux autres association : City bzz et l’Abeille francilienne.
La saison commence l’hiver. La reine commence à pondre en janvier/février. Comme elles ne peuvent pas butiner en hiver, elles se nourrissent avec le stock qu’elles ont accumulé au printemps car c’est avant tout pour se nourrir qu’elles font du miel. La reine dépose ses larves dans les alvéoles que les abeilles ont fabriqué avec la fameuse cire d’abeille. Ce qui est incroyable, c’est que cette cire est sécrétée à 100% par les abeilles. Elles doivent consommer de 5 à 10 kilos de miel pour fabriquer 1 kg cire dans laquelle elles stockeront leur nourriture et feront grandir les larves. Mais ce kilo de cire permettra ensuite de bâtir assez d’alvéoles pour contenir 27 kilos de miel. Pour leur donner un petit coup de main, l’apiculteur va mettre de la cire gauffrée dans des cadres en bois afin d’inciter les abeilles à construire leurs rayons à l’intérieur de ces cadres et leur faire prendre un peu d’avance, leur donner de l’énergie et leur faire économiser du miel. En mars, la colonie commence à prendre de l’essor. Au printemps, il faut y être toutes les semaines pour éviter l’essaimage. L’essaimage est un phénomène classique chez les abeilles. La reine vieillissante quitte la ruche qui devient trop peuplée avec une partie des abeilles pour trouver un nouveau logis.
A Gennevilliers dans cet univers très industriel, je demande à Hervé où peuvent bien butiner les abeilles. Il m’explique qu’à quelques kilomètres de là se trouvent le parc des Chanteraînes et que les abeilles sont capables de faire deux à quatre kilomètres voire plus si nécessaire pour aller butiner.
Au Grand voisin, l’association a monté un rucher pédagogique, et est défenseur de l’abeille noire, une race d’abeille menacée de disparition. Elle est moins utilisée par les apiculteurs professionnels car elle fait moins de miel.
Bizarrement, je me disais que le miel parisien était sans doute moins bon et goûteux que des miels de la campagne ou de la montagne. En réalité, Hervé m’assure qu’il est excellent. En ville, les températures sont plus clémentes, il y a de nombreux espaces verts, les plantes souvent cultivées sans engrais ni pesticide (depuis 2017, la loi interdit formellement l’utilisation des pesticides dans les parcs naturels et les jardins collectifs de Paris). Enfin, ces dames butinent une grande variété de fleurs et peuvent le faire du printemps à l’automne. Bref les abeilles se régalent en milieu urbain. Certes, la pollution reste un problème et affecte quand même certains miels. Il existe même un concours du meilleur miel du Grand Paris, gagné en 2017 par Volkan Tanaci, apiculteur de la Recyclerie.
Hervé, lui, vend son miel dans la petite épicerie de son quartier ou lorsqu’il fait des animations comme au Grand voisin ou dans les écoles. « Mais le miel n’est jamais garanti ! Il y a de bonnes et de mauvaises années ! Et en cas de mauvaise année, mieux vaut avoir un boulot à côté. »
Pour info : il existe une formation diplômante de responsable d’exploitation agricole en apiculture (niveau 4) qui peut être faite à distance.