Gaspillage alimentaire : Hors Normes sauve les fruits et légumes moches
Chaque Français jette chaque année environ 30 kilos de nourriture encore consommable ! Les fruits et légumes arrivent en tête dans nos poubelles. Un peu abimés, oubliés au fond du frigo, on a vite fait de les éliminer. Mais si le consommateur a sa part de responsabilité dans ce grand gaspillage alimentaire, il n’est qu’une partie émergée de l’iceberg. En amont de la chaîne, les producteurs doivent jeter des tonnes de fruits et légumes chaque année trop moches, trop petits ou abimés. En 2050 nous serons près de 10 milliards de bouches à nourrir ! Pouvons-nous permettre un tel gâchis ? Il est grand temps de s’attaquer au problème. Des start-up s’y attèlent comme Hors Normes. Cette jeune entreprise récupère les fruits et légumes invendus pour en faire des paniers bios à prix accessibles ! J’ai interviewé Sven, l’un des créateurs du concept.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Sven et j’ai créé Hors Normes avec un ami, Grégoire, rencontré lors de mes études dans le nord de la France. Il y a peu de temps Claire est également venue nous rejoindre comme associée. Avant, nous travaillions dans le conseil, dans des grands groupes et des entreprises en lien de près ou de loin avec l’alimentation. Mais au bout de quelques années, nous avons eu envie de donner plus de sens à notre activité professionnelle. Nous voulions avoir un impact positif sur la planète.
Comment vous est venue l’idée de Hors Normes ?
Nous avons croisé le prisme de l’alimentation et celui de l’impact. En faisant des recherches, nous nous sommes rendus compte que le gaspillage alimentaire était un énorme sujet dont le consommateur n’est que la partie émergée. Plus nous creusions le sujet, plus nous nous rendions compte qu’il y avait en France et en Europe un trou dans la raquette au niveau de la production et de la transformation. Peu d’acteurs s’occupaient de sauver les fruits et légumes et d’apporter un revenu supplémentaire aux agriculteurs. On a décidé de se focaliser sur ce problème. On a regardé à l’étranger si des choses intéressantes se faisaient. En réalité, il n’y a que deux ou trois initiatives américaines qui fonctionnent plutôt bien.
Qu’en est-il du gaspillage alimentaire des fruits et légumes ?
Parmi tous les aliments, ce sont les fruits et légumes qui sont le plus jetés. 40% fruits et légumes achetés finissent dans la poubelle de notre cuisine. Mais c’est au niveau de la production que le gaspillage est le plus important. Nous étions récemment chez un producteur du Nord de la France qui nous a expliqué que 10% de sa production finissait en compost. C’est une maigre consolation de se dire qu’une partie de son travail sert à enrichir la terre. C’est d’autant plus frustrant que les produits sont bons à consommer. Ils sont jetés simplement parce qu’ils ont des défauts esthétiques ou qu’ils ne sont pas du bon calibre.
Pourquoi autant de gaspillage alimentaire ?
Il y a d’abord des normes réglementaires européennes qui imposent un certain calibrage des fruits et légumes. Ces normes imposées au début du XXème siècle ont été créées pour garantir au consommateur une certaine qualité de produits. Mais elles ne sont qu’une petite partie du problème. La grande distribution a elle aussi imposé ses propres standards exigeant des carottes bien droites, des pommes d’une certaine taille etc.. Ces exigences sont généralement induites par le comportement du consommateur qui laisse sur les étales les produits hors calibres. Nous choisissons avec nos yeux au détriment du goût et des qualités gustatives. Nous avons donc un rôle important à jouer par nos choix dans les rayons des supermarchés. Le changement est en cours mais il y a encore un gros travail à faire car le gaspillage alimentaire est loin de se réduire.
Quel est le but d’Hors Normes ?
Nous avons deux objectifs. Tout d’abord sauver les fruits et légumes du gaspillage alimentaire et ainsi donner des revenus supplémentaires aux producteurs. Deuxièmement, nous voulons rendre la bonne nourriture accessible à tous. 77% des Français jugent le bio trop cher. C’est compliqué de bien se nourrir. C’est pourquoi Hors Normes s’est donné pour but de sauver des fruits et légumes bios et de les vendre 25% à 40% moins cher.
Comment faites-vous ?
Nous sommes en relation avec des producteurs et groupement de producteurs bio en France. Chaque semaine, ses entreprises nous appellent lorsqu’elles ont des produits qui sont bons et de bonne qualité mais invendables à cause de défauts esthétiques, de problèmes de calibre ou parce qu’elles ont des surplus. Ils sont acheminés en banlieue parisienne où un centre de réinsertion, ANDES, les récupère. A partir des palettes qui arrivent, les employés confectionnent les paniers. Ils les reçoivent les lundi, les préparent et nous les donnent le mercredi. Nous les dispatchons ensuite dans les 70 points retraits de 5 villes d’îles de France où nous livrons actuellement. Nous pouvons également les livrer à domicile.
Vous récupérez des produits de toute la France, pourquoi ne pas avoir privilégié le circuit court ?
Nous nous sommes beaucoup posés la question : circuit court ou pas ? Nous n’avons pas opté pour ce positionnement pour deux raisons : d’une part parce que l’on a constaté que plus le producteur est loin du lieu de consommation, plus le gaspillage est important. Les producteurs d’Île-de-France, par exemple, ont généralement réussi à construire des circuits alternatifs car ils ont des zones de consommation assez denses autour d’eux. En revanche, les producteurs vivant en milieu rural, très éloignés de villes n’ont pas la logistique pour acheminer leurs invendus vers d’autres circuits alternatifs.
La deuxième raison est aussi un problème de choix des produits. Ainsi en hiver si on ne propose que du local en Ile-de-France, il y aura peu de choix de fruits et légumes. En élargissant à la France, on peut proposer des kiwis du Gers ou des agrumes de Corse. En discutant avec nos abonnés, nous avons constaté que c’était important d’offrir des paniers proposant une offre variée.
Les clients connaissent-ils la provenance des produits ?
Oui, pour une totale transparence, nous indiquons la provenance, le nom du producteur mais aussi la raison pour laquelle les fruits et légumes ne sont pas vendables. Parfois, ça n’est pas du tout évident et cela ne manque pas de provoquer l’étonnement des clients.
Quel est votre objectif à long terme ?
Cette semaine, nous avons sauvé 3 tonnes de fruits et légumes. Et ce chiffre ne cesse d’augmenter. Nous livrons chaque mois 40% de paniers en plus. Notre objectif à moyen terme est d’en sauver plus en plus mais aussi d’étendre notre offre aux produits transformés rejetés pour des défauts d’emballage, fin de série, date limite trop courte. On l’a déjà testé avec des madeleines et des quatre quarts.
Comment faire pour acheter vos produits ?
Il suffit d’aller sur le site d‘Hors Normes et de souscrire à un abonnement qui est sans engagement. Les clients ne sont pas obligés d’acheter un panier par semaine. Ils ne paient pas en avance et n’ont pas à s’abonner pour plusieurs mois. C’est très flexible. Pour l’instant, nous distribuons nos paniers dans 5 villes : Paris, Levallois-Perret, Boulogne, Clichy et Neuilly.
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