Entendez-vous le doux chant des oiseaux ? En ce moment, quel bonheur de les écouter gazouiller sous nos fenêtres en plein Paris. Le silence de nos villes a éveillé nos oreilles au chuchotement de la nature. C’est quand même plus chouette que les klaxons ! Grâce au confinement, à Paris une soixantaine d’espèces nous enchantent de leurs pépiements. J’ai interviewé Frédéric Malher, délégué régional LPO Ile-de-France, pour en savoir plus sur les conséquences de ce calme inespéré sur les oiseaux à Paris.
Le confinement a t-il un impact sur la vie des oiseaux à Paris ?
Il est probable que les espèces normalement présentes dans Paris prennent leurs aises. On va pouvoir tester cela en faisant des comptages d’oiseaux au même endroit. J’habite dans le XIXème arrondissement. Je compte depuis 25 jours les oiseaux sur mon balcon. Il n’est pas impossible que certaines espèces comme les fauvettes à tête noire, pinsons, troglodytes étendent un peu plus leur territoire car l’environnement est plus calme. Mais cela n’est que mon point de vue déduit de mes observations. Il faudra vérifier. On s’en donne les moyens au niveau européen.
Comment vous en donnez-vous les moyens ?
Le réseau européen auquel participe la LPO a mis au point un protocole qui en France s’appelle « Confinés mais aux aguets ». Nous demandons aux ornithologistes de compter les oiseaux depuis leur domicile. Grâce à la grande quantité de points d’observation que nous avons partout en Europe, cela devrait donner des enseignements intéressants.
Combien d’espèces peut-on observer dans Paris et en Ile-de-France ?
Nous avons répertorié 60 espèces d’oiseaux qui ont niché au moins une fois en 4 ans dans Paris. 50 à 55 y nichent régulièrement. Dans le Grand Paris, il y a 113 espèces. Toutes ces espèces seront répertoriées dans « l’Atlas des oiseaux nicheurs du Grand Paris » qui sortira à l’automne.
On entend très bien les oiseaux chanter en ce moment ? Quelle est la fonction de ce chant ?
Le chant des oiseaux a une fonction très concrète surtout en ce moment : délimiter le territoire et attirer les femelles. Comme il y a moins de bruit dans les villes, la communication entre les oiseaux marche mieux. Le confinement leur permet de mieux établir les territoires.
C’est aussi la saison des amours pour les oiseaux, allons-nous voir plus d’oisillons dans les nids cette année ?
Le succès de la reproduction des oiseaux à Paris dépend de beaucoup de facteurs mais cette année, il y a de fortes probabilités que la nidification soit bonne. Nous sommes en pleine période de reproduction. Certains oiseaux comme les merles, mésanges, pinsons ont déjà eu leurs premières nichées. Tout ce joli monde est entrain de couver.
Quels sont les facteurs qui peuvent aider à une bonne reproduction cette année ?
Le calme des villes peut faciliter les rencontres en particulier pour les espèces rares. En effet, si le chant d’un oiseau est audible en temps normal dans un rayon de 50 mètres et qu’il passe à 100 mètres, le mâle aura 4 fois plus de chance d’atteindre une femelle. Le roitelet huppé, par exemple, dont le chant est très faible sera mieux entendu des femelles. La fauvette à tête noire, que l’on trouve habituellement dans les parcs étendra peut-être son territoire à d’autres endroits où elle n’a pas l’habitude d’aller. Le 2ème avantage, c’est que les parcs sont fermés donc ils ne sont pas dérangés par les promeneurs et leur chien. Les oiseaux migrateurs, comme les hirondelles, arrivent. Les rues sont plus tranquilles et il y a moins de pollution. Elles vont peut-être mieux réussir leur nichée. Mais il faut que le temps reste doux. Si il se met à faire froid, cela sera de toute façon une catastrophe pour les hirondelles. Il faut donc être prudent.
En quoi la diminution de la pollution a-t-elle des conséquences sur les oiseaux à Paris ?
Si le confinement durait longtemps, la diminution de la pollution de l’air permettrait la multiplication de certains insectes. Ils auraient donc plus de nourriture à se mettre sous le bec. Mais s’il s’arrête comme prévu à la date du 11 mai, deux mois d’arrêt de circulation n’auront sans doute qu’un effet limité.
Mettez de l’eau sur vos balcons ! Surtout en ce moment ! Il n’a pas plu depuis un mois. Mais renouvelez-la tous les jours car c’est un véritable nid à microbes. Il ne faut pas que les oiseaux se contaminent entre eux.
De quoi se nourrissent les oiseaux à Paris en temps normal ?
Certains oiseaux se nourrissent beaucoup de tout ce qui vient des poubelles et de nos déchets. C’est un peu leur « junk food ». Malheureusement, cette nourriture n’est pas de très bonne qualité. En particulier au moment des naissances, les oisillons ont besoin d’insectes. Les plus gros oiseaux nourrissent leurs petits avec d’autres oiseaux ou de petits mammifères. Cette source de nourriture est limitée en ville. J’en profite pour passer un message : au printemps, ne mettez plus de graines dans vos mangeoires. Ils ne les mangent plus. En revanche, mettez de l’eau ! Surtout en ce moment ! Il n’a pas plu depuis un mois. Mais attention : renouvelez-la tous les jours car c’est un véritable nid à microbes. Il ne faut pas que les oiseaux se contaminent entre eux.
Le confinement a-t-il permis d’observer de nouvelles espèces d’oiseaux à Paris ?
Nous n’avons pas observé de nouvelles espèces qui arriveraient en ville ou d’oiseaux qui viendraient en plus grand nombre. Les espèces que l’on voit actuellement sont les mêmes qu’en temps normal. Grâce au confinement et au calme des villes, nous les entendons plus, c’est tout ! En revanche, si le confinement devait durer plusieurs mois, là, on pourrait penser qu’il y aurait de nouvelles espèces qui finiraient pas s’établir.
Quels oiseaux peut-on observer communément de nos balcons parisiens ?
Au printemps, on peut observer les pigeons. Il en existe trois espèces à Paris : le pigeon de ville, que beaucoup de gens détestent ! Le pigeon ramier et le pigeon colombin, assez difficile à voir. De manière courante, on peut aussi voir sur nos balcons le merle, la mésange charbonnière et la mésange bleue. Dans les parcs, on observe le troglodyte, petite boule de plumes brunes, le pinson et la fauvette à tête noire que l’on peut entendre facilement en ce moment.
Les trois-quarts des moineaux ont disparu de Paris.
Et les moineaux ?
Les trois-quarts des moineaux ont disparu de Paris. Ce problème est d’ailleurs récurrent dans toutes les grandes villes européennes à l’exception de Berlin. Cette disparition est sans doute liée à l’évolution de la ville et sa gentrification. Les grandes capitales de plus en plus chères sont aussi de plus en plus rénovées. Les quartiers populaires disparaissent et avec eux les friches, les cours de guingois, les trous dans les murs. Les moineaux se reproduisent donc de moins en moins et disparaissent.
Vous nous avez parlé d’un protocole de sciences participatives réservé aux spécialistes, mais vous avez aussi un programme grand public ?
Oui, nous avons un autre protocole appelé « Oiseaux des jardins ». Tout le monde peut s’y inscrire. Le terme « jardin » est à prendre au sens le plus large possible : un balcon ou un square font parfaitement l’affaire. Le but est de compter pendant un intervalle de temps fixe à son rythme, chaque jour ou de temps en temps, les oiseaux de chaque espèce observés dans son jardin ou son balcon. Les données sont ensuite traitées par les scientifiques du Muséum nationale d’Histoire naturelle. Grâce au confinement, les demandes d’inscription ont explosé ! Le site était dimensionné pour 65 000 jardins. Nous avons eu tant d’inscriptions qu’il a été bloqué pendant 3 jours. Mais désormais tout est rentré dans l’ordre. Vous pouvez à nouveau vous inscrire !
Comment reconnaître les oiseaux à Paris lorsque l’on n’est pas un amateur averti ?
Les oiseaux se reconnaissent souvent à l’oreille. Il faut donc apprendre à écouter leur chant.
Sur le site de la LPO, il y a une sonothèque répertoriant plus de 80 chants d’oiseaux qui peuvent vous aider. Sur ma page Facebook, je donne des leçons de chants d’oiseaux. Mais on n’apprend pas le chant de 20 espèces d’oiseaux en 25 jours. C’est un travail de longue haleine ! L’oreille doit s’entrainer.
Pouvez-vous quand même nous donner quelques conseils ?
Tout d’abord, je vous conseille d’écouter et essayer de distinguer les divers chants sans chercher à mettre un nom dessus. Il est important de se forger l’oreille pour être capable de repérer d’où vient un son. Le chant est-il le même que celui qui répond ou est-il différent ? Une fois que l’on a pris cette habitude de distinguer dans l’espace ces diverses sources de chant, c’est plus facile ensuite pour apprendre à les reconnaître.
La deuxième astuce est de commencer l’hiver car il y a moins d’oiseaux qui chantent. C’est donc plus facile de les distinguer. De plus, il n’y a pas de feuilles aux arbres. On peut donc les voir plus facilement.
Enfin, fixez-vous une liste des 10 espèces d’oiseaux les plus communes en ville et contentez-vous de cela pendant 1 mois. Si au bout d’un mois vous arrivez à reconnaître 10 chants d’oiseaux, c’est déjà beaucoup ! C’est comme les langues étrangères, une fois qu’on en connait plusieurs, en apprendre une de plus n’est plus un problème. Je connais moi-même le son caractéristique d’une centaine d’espèces.
Quelle différence entre le chant et le cri des oiseaux ?
Les oiseaux ont un chant bien défini et facile à reconnaître mais ils crient aussi. Les cris sont plus compliqués à reconnaître car ils sont très variés. Ils ont d’autres fonctions que le chant. On distingue des cris de contact, de migration, d’alarme, de quémandage, de panique…
Après plusieurs années d’ornithologie on peut reconnaître des cris. Les chants de 10 espèces peuvent se reconnaître en un mois, les cris de 10 espèces en un an ! Et il y a environ 250 espèces d’oiseaux en France !
On espère que notre programme de sciences participatives « Oiseaux des jardins » créera des vocations d’ornithologue ! Alors tendez l’oreille !
Merci à la LPO Ile-de-France pour ces magnifiques images !
La mésange bleue de la Une est une image de C.Galois
Vous avez aimé cet article ? Appris des choses ? Alors partagez !
2 Comments
Bonjour,
Je demeure dans le XIXème devant la Cité des Sciences, j’ai la chance d’avoir une petite terrasse mais surtout des mésanges qui viennent pondre leurs oeufs deux fois par ans dans le nichoir.
J’avais toute une variété d’oiseaux de passage juste pour manger quelques graines mais j’en ai nettement de moins en moins.
Faites-vous des balades organisée pour apprendre à les reconnaître.
Merci
Cordialement
Bonjour Madeleine et merci pour votre message. Non malheureusement je ne fais pas de balades mais la LPO en organise peut-être. Je vous conseille de vous renseigner auprès d’eux. Bonne journée à vous