Composter en ville, c’est possible et surtout facile ! Aurélie décide il y a 4 ans de réduire ses déchets. Elle se lance alors le défi de composter en ville. Elle installe dans son appartement un lombricomposteur et dans la foulée fait une formation de guide-composteur. Lorsque sa famille s’agrandit, elle emménage dans un appartement plus grand à Viroflay avec un accès à un petit bout de jardin. Elle décide alors d’installer un composteur de jardin et tente même d’embarquer ses voisins dans l’aventure. Je suis passée chez elle un dimanche pour une matinée papotage et compostage… Vous hésitiez encore ? Voilà de quoi vous convaincre de passer à l’action !
D’où te vient cette passion pour le compostage ?
J’ai toujours été attirée par les problèmes de réduction et de valorisation des déchets. Je trouve cela tellement dommage de jeter des épluchures de fruits et de légumes à la poubelle alors que l’on peut si facilement les recycler. Ces déchets de cuisine n’ont à mon sens rien à faire dans un incinérateur.
Comment faire pour composter en ville ?
Lorsqu’on vit dans un appartement, le seul moyen de ne pas jeter ses biodéchets à la poubelle est de faire du lombricompostage. J’ai mis du temps à me décider par peur des odeurs, des moucherons, des voisins pas contents, de ne pas y arriver… J’ai fini par me lancer car j’ai vu quelques personnes autour de moi s’y mettre. Mais surtout GPSO (la communauté de communes Grand Paris Seine Ouest), proposait non seulement gratuitement des lombricomposteurs mais donnait aussi une petite formation gratuite. Cela m’a beaucoup rassurée. Je ne me lançais pas à partir de rien.
Tu as aussi fait une formation de guide-composteur ?
J’ai passé le premier niveau de guide composteur qui nous donne toutes les bases pour mettre soi même en place un composteur. Cela permet aussi d’accompagner les gens individuellement ou collectivement dans une démarche de compostage. La formation dure une semaine et est accessible à tous. Si l’on veut aller plus loin, on peut continuer et devenir maître-composteur (découvrez ici le portrait de Jean-Jacques, maître-composteur). On apprend alors à animer un réseau de référents composteurs.
Faut-il faire une formation de guide-composteur pour se lancer ?
Non pas du tout ! Sans doute à cause de ma formation d’ingénieur, cela m’a rassuré d’être formée. Comme je venais d’arriver dans l’immeuble, j’avais peur de créer des nuisances de type mouches ou odeurs. Je voulais que l’expérience réussisse pour rassurer les voisins et contrer leurs arguments contre le projet. Je me posais aussi la question d’une reconversion à cette époque. J’avais envie de transmettre et d’informer.
Que peut-on mettre ou ne pas mettre dans un lombricomposteur ?
Dans le lombricomposteur, on ne peut pas mettre le pain, les féculents (riz, pâtes), les déchets cuisinés, les agrumes, les oignons. On m’avait dit aussi de ne pas mettre les pelures de pomme de terre ou les poireaux à cause des odeurs. Mais je les mets et je n’ai jamais eu de problème. On peut mettre aussi le marc de café ou les feuilles de thé. Il faut essayer, tester et voir comment la matière organique réagit. Au début, je conseille d’y aller petit à petit. Mais une fois votre premier compost bien mûr, faites tous les essais que vous voulez. Si vous rencontrez des problèmes, dites-vous qu’il y a toujours une solution. Je suis sûre qu’il y a dans votre entourage quelqu’un qui en a un. Il faut discuter et échanger sur ses problèmes. J’avais un ami qui possédait un lombricomposteur. Je lui posais toutes mes questions. Ca m’a beaucoup aidé.
Où trouves-tu les vers de terre ?
Lorsque j’ai commencé GPSO fournissait les vers de terre avec le lombricomposteur mais je sais que ce n’est pas le cas partout. On peut les acheter mais beaucoup de gens cherchent à en trouver gratuitement. C’est possible sur la plateforme plus2vers.com, qui a mis en place un système de dons de vers. Je suis inscrite et je suis souvent contactée par des gens qui veulent démarrer et récupérer des vers. C’est super de voir que tant de personnes ont envie de s’y mettre ! Mais il n’y a pas assez de donneurs de vers. Personnellement, j’en donne dès que je peux. Mais je dois faire attention car il faut que le nombre de vers soit adapté à notre apport d’épluchures. Si je fais chuter la population, la matière organique mettra plus du temps à se décomposer.
Faut-il mettre aussi de la matière séche ?
Oui dans un lombricomposteur, on doit mettre de la matière sèche. Vous pouvez mettre des boîtes d’œuf ou du carton.
Pourquoi avoir décidé de faire aussi un composteur de jardin ?
Lorsque j’ai emménagé à Viroflay, j’avais la chance d’avoir un petit bout de jardin. J’ai donc voulu installer un composteur de jardin car on peut y mettre beaucoup plus de choses que dans un lombricomposteur : reste de repas (sauf poisson, viande, fromage), agrumes, oignons, déchets végétaux de jardin. Ce qui ne doit pas nous empêcher de cuisiner au maximum tous les restes pour éviter le gaspillage alimentaire. Nous mettons aussi dans le composteur toutes les tailles des arbustes et des fleurs du jardin de l’immeuble. Nous valorisons ainsi les déchets du jardin. Ils se transforment en compost et repartent à la terre. La boucle est bouclée !
Que ne mets-tu pas dans ce composteur de jardin ?
Je ne mets pas les coquilles d’œuf car elles ne se décomposent pas. Elles sont composées de calcaire et la seule chose qui peut désintégrer le calcaire c’est l’acidité. Je garde les coquilles d’œufs et je les broie avec un pilon puis je remplis un bocal et je le mets dans la terre. C’est excellent pour les plantes ! Je ne mets pas non plus les produits carnés ou les restes de poissons ou de fromage.
On peut aussi mettre des agrumes ?
Oui, tout à fait ! Je ne sais pas d’où vient le mythe sur les agrumes. Le maître composteur qui faisait la formation nous a expliqué que certains producteurs de jus d’orange qui se retrouvent avec une masse énorme de pelures font du compost avec les pelures de leurs fruits.
Comment as-tu démarré ?
Je vis dans une impasse au milieu d’immeubles. Au bout de cette petite rue, il y a un endroit qui me semblait parfait pour installer des composteurs partagés. Après ma formation de guide composteur, j’ai décidé d’animer un atelier dans le cadre de la Semaine européenne de réduction des déchets. Je voulais tester le quartier, savoir si d’autres personnes étaient motivées pour lancer ce projet. J’ai alors découvert qu’il y avait déjà des composteurs individuels dans les jardins alentours. J’ai donc laissé tomber l’idée. Je me suis dit : je vais le faire moi-même sur mon bout de jardin. Cela me permettra aussi d’avoir une expérience pratique.
Comment as-tu fait pour installer ce composteur ?
Tout d’abord, j’ai réfléchi à l’endroit où j’allais le mettre. Il faut trouver de la place pour mettre le composteur mais aussi un endroit pour mettre la matière sèche (feuillage ou broyat de bois). En effet, c’est le mélange de matière sèche et d’épluchures qui donnent le compost. Si vous ne mettez que des épluchures qui sont en grande partie composée d’eau, elles vont juste pourrir. Ce qui fait l’humus et donc le compost, c’est le mélange de l’azote (tout ce qui est humide : épluchures, pelouses…) avec le carbone c’est-à-dire la matière sèche. Cette matière sèche permet également de réduire les nuisances, surtout en ville, où le composteur peut se trouver proche des fenêtres des gens.
La deuxième chose à faire pour composter en ville est de trouver de la matière sèche. En hiver, on peut encore se débrouiller mais en plein été lorsque il n’y a plus beaucoup de feuilles sèches à disposition, c’est plus difficile.
Comment fais-tu pour récupérer cette matière sèche ?
J’ai essayé de repérer des endroits où la prendre. La première année, j’ai ramassé les feuilles des grands peupliers qui sont autour de nous à la main dans un sac. J’en ai aussi ramassé dans les bois. Mais ce n’était pas pratique car il y a surtout des châtaigniers. En ramassant les feuilles mortes, je prenais aussi les bogues. Et ça pique ! Ensuite, j’ai repéré un camping à côté de chez moi qui à l’automne faisait un gros tas de feuilles. Je leur ai demandé si je pouvais en prendre. Là encore, la solution n’était pas idéal car c’était un peu loin. Finalement, j’ai fini par repérer une avenue où les jardiniers de la ville font un énorme tas de feuilles mortes à l’automne. Mon voisin, va les chercher en voiture. Il en ramasse un ou deux sacs et nous le partageons. Je pense que nous consommons environ un petit mètre cube de feuilles sèches par an, ce qui correspond à peu près à la taille du composteur.
Un composteur de jardin coûte-t-il cher ?
Il y en a à tous les prix. Personnellement je ne voulais quelque chose de trop couteux car je ne savais pas comment mes voisins allaient réagir. Je ne voulais pas mettre beaucoup d’argent dans un composteur en bois pour l’enlever au bout de quelques mois. Je voulais aussi un composteur assez petit. Finalement j’en ai trouvé un en plastique de 70X70 à 30 euros. Il n’est pas très pratique car la façade avant ne s’enlève pas. Il y a seulement une petite trappe en dessous qui permet de récupérer le compost. Cela fait un an maintenant que je l’utilise. Mes voisins sont ravis de cette initiative et s’en servent volontiers. Nous sommes dorénavant deux familles de deux enfants à jeter nos bio-déchets. Je vais donc essayer d’en mettre un plus solide et plus pratique.
As-tu des problèmes avec les rats qui sont un vrai problème en ville ?
C’est vrai, on en voit de temps en temps. C’est pour cela que l’on ne met pas du tout de produits carnés. Pour éviter qu’ils s’installent dans le composteur, on y va souvent et on le remue beaucoup. Ils s’installent généralement dans les endroits ou le composteur n’est pas beaucoup remué. Ils sont bien, il fait chaud, ils sont nourris. Mais comme nous les dérangeons tout le temps, ils ne restent pas.
Et les mauvaises odeurs ou les moucherons ?
Il peut y avoir parfois des mauvaises odeurs ou des moucherons surtout au démarrage. Mais il y a des dispositions très simples à prendre. Les mauvaises odeurs sont dues à des bactéries qui ne vivent qu’en milieu anaérobie (sans oxygène). Elles se développent quand les épluchures sont en train de pourrir parce qu’ il n’y a pas assez d’apport de matières sèches. En effet, la matière sèche crée des poches d’oxygènes dans les épluchures et empêche ainsi les bactéries de se développer. Il suffit donc de rajouter de la matière sèche et de bien remuez pour apporter de l’oxygène. Les mauvaises odeurs disparaîtront !
Les moucherons, quant à eux, viennent surtout l’été car ils sont attirés par les fruits. Pour éviter ces nuisances, remuez les épluchures dans le composteur pour les enfouir un peu, puis recouvrez-les avec de la matière sèche pour rendre les épluchures encore moins accessibles aux moucherons.
Mon voisin met des petites plantes carnivores près de son lombricomposteur. Elles les mangent. C’est très efficace.
Au bout de combien de temps récupéres-tu le compost ?
Dans un composteur de jardin, il faut une année avant de récupérer le compost.Comme je mets les épluchures sur le dessus, le compost murit petit à petit et se retrouve tout au fond lorsqu’il est vraiment mur. On le récupère alors par la trappe du bas. Avec un lombricomposteur, c’est plus rapide. Mais il y en a moins. On récupère aussi le jus du compost qui est un excellent engrais naturel qui se dilue dans de l’eau. Je mets un demi litre de jus de compost pour un arrosoir de 5/6 litres.
Y-a-t-il des difficultés particulières à composter en ville ?
La principale difficulté pour composter en ville est de trouver de la matière sèche. Sans celle-ci, on ne peut pas démarrer un projet de compostage. Il faut donc faire des stocks à l’automne et en hiver pour tenir jusqu’à l’automne suivant.
Pour le lombricompostage, il faut être patient au début, car le démarrage est lent, mais une fois lancé au bout de 4 mois environ, on voit les épluchures se transformer en compost.
Que conseilles-tu pour rassurer ses voisins inquiets ?
Je les ai convaincus par la pratique. Je me suis lancée. Ils m’ont posé des questions. J’ai apporté des solutions et donné quelques règles simples. Ils ont constaté par eux-mêmes que ça se passait bien et que c’était facile. Une fois que l’on a commencé, c’est addictif. La poubelle de la maison ne sent plus mauvais et on est content de valoriser cette matière qui ressert directement au jardin !
Le saviez-vous ?
Les épluchures composent 30% de notre poubelle. Les déchets verts qui ne sont pas compostés sont incinérés.
Le compostage de proximité est donc une solution simple à mettre en œuvre, efficace, peu coûteuse et peu émettrice de CO 2 (pas de déplacement de la matière).
Cerise sur le composteur : c’est un merveilleux engrais naturel ! Si vous n’avez pas de plantes ou de balcons, organisez une petite distribution dans votre immeuble. Je suis sûre que vous ferez des heureux !
La loi de transition énergétique pour une croissance verte (LTECV) prévoit une généralisation du tri à la source des biodéchets d’ici 2025.
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