Nicolas est un passionné de photographie nature. J’ai découvert ses photos sur Instagram. Ses clichés nous offrent de véritables moments de grâce, une fenêtre sur la nature qui nous entoure et que l’on ne voit pas. En effet, ce qui rend ses photos incroyables, c’est qu’elles ne sont pas prises en pleine campagne comme on pourrait l’imaginer. Pour assouvir sa passion de photos animalières, il ne va pas très loin. Juste au bout de sa rue à Boulogne-Billancourt. Il nous fait découvrir tous ces petits animaux qui vivent là, à Paris, sous nos yeux et que nous ne voyons pas. Il a accepté de me parler de sa passion et de ses astuces pour capter ces jolis moments.
Etes-vous un photographe professionnel ?
Non pas du tout ! Je suis ingénieur dans une entreprise qui fabrique des drones. Il y a 7 ans, j’ai commencé à m’intéresser à la photo. Mais comme je suis un peu geek, je me suis aussi beaucoup intéressé au matériel. Petit à petit, j’ai investi dans des appareils photos plus hauts de gamme. Je me suis mis à faire des photos d’insectes. Je trouvais cela intéressant. Au fil du temps, je me suis rendu compte que je préférais photographier les animaux plutôt que les êtres humains.
Où faites-vous vos photos ?
J’habite dans les Hauts-de-Seine à Boulogne-Billancourt. Je vais me balader près de chez moi : au bois de Boulogne, au bois de Vincennes, dans les squares à Paris.
Pourquoi avoir choisi de faire des photos animalières en ville ?
Je n’ai pas de voiture. Je fais tout en transport en commun ou en vélo. Donc je me focalise sur ce qui est proche de chez moi. Et puis, au fil du temps j’ai rencontré des gens qui partagent la même passion que moi. J’ai découvert que rien qu’en se cantonnant à l’urbain ou péri-urbain, on pouvait faire des choses incroyables. On peut photographier beaucoup d’espèces. Avant d’atteindre les limites de ce qu’il y a en ville, j’aurais arrêté la photo.
Quels sont les avantages de la photo de nature en ville ?
En ville les animaux sont moins craintifs. Par exemple le héron, en pleine campagne, est impossible à prendre de près. A Paris, on peut être beaucoup plus proche d’eux et les voir plus longtemps. On a plus de chance de voir quelque chose d’original.
Comment faites-vous pour trouver les animaux ?
La base de la photo nature, c’est surtout la connaissance naturaliste. Même dans des espaces comme Paris, plus on connaît son sujet, plus on a de chance de faire de belles observations. En se documentant, on connaît les comportements des animaux suivant les saisons. Qui est migrateur et qui ne l’est pas. Quels animaux seront là en hiver ou en été. Dans quel type de biotope ils se plaisent. En ce qui concerne les oiseaux, reconnaître leurs chants aide aussi beaucoup à les trouver. Les ornithologues disent que lorsqu’ils se baladent, 90% des contacts avec les oiseaux se font d’abord à l’oreille. Il faut s’entraîner, acheter un guide ornithologique, écouter les chants des oiseaux sur Youtube. Rien qu’avec cela on multiplie de manière incroyable ses observations d’oiseaux. Je me souviens qu’au départ, je ne voyais rien et pourtant je me baladais beaucoup. Je ne suis pas expert mais au fil des années j’ai développé une petite culture générale qui me permet de mieux repérer les animaux. Simplement en me documentant, j’ai vraiment constaté la différence.
Quel type de livres lisez-vous ?
Je lis beaucoup de livres. Des livres naturalistes des éditions Delachaux Et Niestlé qui publient des choses superbes en ornithologie. J’achète aussi des livres de la LPO (ligue de la protection des oiseaux) qui permettent d’avoir beaucoup d’information. Enfin, j’achète des livres photo pour m’inspirer.
Quels sont les secrets pour avoir la bonne photo ?
Quand J’ai commencé la photo, je me promenais un peu au hasard. Je suivais des amis qui m’emmenaient en balade sur un spot précis. Puis, j’ai cherché à m’améliorer. J’ai donc décidé de me focaliser sur un ou deux sujets par sortie. Un jour, je ne cherche que des rouges-gorges, un autre que des hérons. Je ne me disperse pas et je cherche à avoir la photo que je veux. Je fais cela à différentes saisons, selon la météo… ce qui me permet de diversifier mon approche d’un seul sujet. Par exemple, en février 2018 quand j’ai vu la neige tombée, je me suis tout de suite dis que j’allais pouvoir prendre ma photo de héron sous la neige.
Le secret d’un photographe animalier c’est de passer beaucoup de temps dehors
Le deuxième secret d’un photographe animalier, c’est de passer beaucoup de temps dehors. J’ai rencontré une dame à la retraite qui arrivait à faire des observations incroyables. Mais elle passait 8 heures pas jour à observer les oiseaux. Cela multiplie les chances de prendre les oiseaux dans des situations difficiles à voir. Moi je sors surtout le week-end. De temps en temps, je pose des jours de vacances. En été, quand les jours rallongent, je vais photographier une heure le matin avant d’aller travailler et le soir.
Sur Instagram vous restez très évasif sur les lieux où vous prenez vos photos, pourquoi ?
Je fais exprès de ne jamais donner les lieux où je photographie. Un jour à Vincennes, un Pic mar, une espèce assez rare, a fait son nid de manière très visible et accessible. L’information s’est répandue comme une trainée de poudre. C’était la folie. Il y avait 20 personnes au pied du nid. Je fais des photos de mantes religieuses qui est une espèce protégée en Ile-de-France car elle est rare. Je les ai cherchées pendant des années avant de les trouver. Cet insecte se trouve dans des zones protégées. J’ai fait une fois l’erreur de dire à quelqu’un où je faisais mes photos. Une semaine après il y avait deux ou trois personnes que je ne connaissais pas en train de piétiner les prairies pour les observer. C’est pour cela que je ne précise jamais le lieu.
Quels sont vos animaux préférés ?
J’ai 3 animaux favoris. Mon préféré c’est le rouge-gorge. C’est l’ami du photographe car il n’est pas craintif. Il se met en avant quand il chante. Mais il a aussi un caractère de cochon. Il n’hésite pas à chasser les autres oiseaux et à aller au contact. J’aime aussi beaucoup les écureuils. C’est un des rares mammifères que l’on voit facilement dans les parcs. C’est tellement mignon. Je les photographie dans toutes les poses. Enfin, j’adore les mantes religieuses. En été je peux y aller 40 à 50 fois. J’y vais quand les œufs viennent d’éclore. Elles font 0,5 cm jusqu’à la fin de saison en octobre/novembre où elles sont énormes.
Votre plaisir est autant de les observer que les photographier ?
Quand j’ai commencé la photo, j’y allais vraiment pour photographier mais maintenant, il m’arrive de juste prendre une paire de jumelle pour les observer. Ca me détend et on apprend toujours quelque chose. J’aime aussi découvrir de nouveaux endroits de nature au milieu de la vie citadine. Par exemple les lapins. Je les ai photographiés au bord du périphérique. Je peux les approcher et les observer bien mieux que si j’étais au fin fond de la campagne.
Quelles sont vos plus belles émotions de photographe nature ?
Ma première grande émotion c’est la première fois que j’ai vu des martins pêcheurs au bois de Boulogne. Dans la photo nature, le martin pêcheur, c’est un peu le top modèle. Tout le monde veut sa photo. Alors en voir un comme ça à deux pas du métro ! J’étais comme un dingue.
J’ai aussi vécu un très beau moment cet été. J’ai découvert une nichée d’éperviers à deux pas de chez moi à Boulogne. Je les ai observés pendant une semaine. Un jour, un des 4 jeunes éperviers avait dans son bec une proie apporté par ses parents. Il est venu se poser à 50 cm de moi. Il a commencé à manger en me regardant. Je pouvais quasiment le toucher. J’ai du reculer tout doucement pour le photographier car il était trop près de mon objectif. Cela reste un moment incroyable.
Comment faites-vous pour vous renouveler et ne pas toujours faire les mêmes photos ?
C’est vrai que l’on fait souvent les mêmes photos. Mais on est toujours à la recherche de la photo qui va être meilleure que les autres. Sur une photo que je poste sur Instagram, j’en fais 500 ou 1000.
Vous photographiez la nature depuis 7 ans à Paris, avez-vous constaté des changements ?
L’arrêt des produits phytosanitaires a permis de conserver et d’améliorer la biodiversité dans Paris. Ce qui prouve que l’on peut concilier biodiversité et gestion des espaces verts. Malheureusement, j’ai quand même l’impression que la nature disparaît. Nous sommes de plus en plus nombreux à vivre en Ile-de-France. On construit toujours plus de bâtiments au détriment de la nature. Il y a de plus en plus de monde dans les bois et les parcs. A Vincennes, les jardiniers ont du couper des buissons pour rendre les pelouses plus accessibles. C’est bien fait mais tout cela fait disparaître les animaux. Un de mes amis a constaté par exemple que le bouvreuil pivoine, un très bel oiseau assez rare et que l’on voyait régulièrement, a disparu depuis un an.
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