Les toits de Paris réservent parfois des surprises. Saviez-vous que depuis 3 ans, la mairie de Paris développe l’agriculture urbaine avec le projet des Parisculteurs ? La capitale a fait le pari de végétaliser 100 hectares d’ici 2020 dont 30 hectares en agriculture urbaine. Des toits, des parkings, des friches sont mises à disposition de porteurs de projets pour créer des fermes urbaines. C’est ainsi que quatre sœurs : Amela, Louise, Philipine et Berengère du Bessey, ont décidé de créer Bien élevées. Une ferme urbaine dédiée à la culture du safran ! Cette fragile et ravissante fleur violette que l’on imagine plus sur les versants des montagnes iraniennes ou marocaines que sur les toits de Paris, poussent désormais au dessus de nos têtes.
Cela fait plusieurs mois que j’attends avec impatience la récolte. Bien décidé à grimper sur ces toits et voir de mes propres yeux la cueillette du safran àParis. J’en ai bien sûr profité pour rencontrer Amela et Louise du Bessey, deux des co-fondatrices. La première à répondu à mes questions, la seconde a accepté de me montrer le toit. Vous allez tout savoir sur l’origine de ce projet et sur la culture du safran en pleine ville.
Qu’est-ce que le safran ?
Le safran est une fleur violette délicate : le crocus sativus linnaus. On prélève le pistil rouge de cette fleur et on le fait sécher pour obtenir une épice qui parfume merveilleusement les plats.
Qu’est-ce qui vous a amenée à la production du safran en plein Paris ?
Je peux dire que ce projet a bénéficié d’un véritable alignement des astres. Nous sommes parisiennes toutes les 4. Mais nos parents ont des terres dans le Bourbonnais près de Moulin. On y allait tous les week-end et toutes les vacances quand on était petite. On aime Paris mais la nature nous manquait. De plus, depuis longtemps, nous avions envie de faire quelque chose toutes les quatre. Nous cherchions une culture un peu bizarre. Au départ nous voulions monter un projet d’agriculture chez nos parents. Ils avaient une petite surface à utiliser.
Les Parisculteurs ont été le déclencheur ?
La culture du safran me fascinait depuis longtemps pour de multiples raisons : culturelle, botanique, gastronomique… Il y a 8 ans, j’ai commencé à en planter chez nos parents et aussi chez moi à Paris pour surveiller le timing et savoir à quel moment récolté. J’ai constaté que celui que je cultivais à Paris se plaisait davantage que celui en pleine terre chez mes parents. Bien sûr, cela m’a interpellé mais je n’osais pas me lancer. Puis, il y a eu les Parisculteurs. J’ai regardé la première saison sans osé me lancer. Mais à la deuxième saison, je me suis dit qu’il fallait y aller. L’idée était tellement évidente ! Comment est-ce possible que personne n’y est pensé. J’en ai parlé à mes sœurs et on s’est lancées !
Le safran, une culture parisienne ? En quoi est-ce si évident ?
Le safran est une plante qui se cultive très bien en ville car elle est très rustique. Il y a un véritable paradoxe entre la fragilité de la fleur et la robustesse de la plante. La fleur fleurit et meurt en une journée alors que la plante est très résiliente. Elle pousse dans les montagnes d’Iran, dans les cailloux, elle survit au gel, à la neige. Il n’y a pas besoin d’irriguer. Elle ne consomme pas d’eau. Le climat de la ville lui convient donc très bien. La qualité de la terre est plus importante que le climat. Elle ne doit pas être à l’ombre mais à partir du moment où elle a son quota de soleil, elle survit bien partout. D’un point de vue logistique le produit est très simple à gérer car très léger et peu volumineux.
Vous n’aviez pas de connaissances agricoles en démarrant ce projet ?
Non, nous n’avions pas de formation agricole en démarrant le projet. Mais je suis en train de passer cette année mon bac pro horticole. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons mis tant de temps à nous lancer. Nous nous sommes beaucoup appuyées sur deux safraniers qui répondent à toutes nos questions techniques.
Comment avez-vous débuté ?
Nous avons installé deux terrasses en 2018 : d’abord celle de l’Institut du monde arabe puis la terrasse des Parisculteurs au dessus du Monoprix du métro Glacière.
En 2019, nous en avons installé 3 autres : 350 m2 dans la ville de Montrouge sur un ancien terrain de sport. Nous avons aussi planté dans une entreprise à Ivry avec leurs salariés.
Enfin, nous avons mis en place un dernier projet sur le toit du lycée hôtelier Guillaume Tirel à Raspail. Cela fait partie du projet de développement durable des lycéens. Nous avons planté le safran avec les lycéens. Normalement, nous allons en installer trois autres en 2020. L’idée est d’en créer ainsi deux ou trois chaque année en France mais aussi en Europe. En multipliant les terrasses, cela devient un vrai projet économique. C’est pourquoi, j’ai décidé de m’y consacrer à 100 %. Mes sœurs continuent à travailler de leur côté car on n’en vit pas pour le moment. L’objectif est que tout le monde puisse rejoindre le projet d’ici quelque temps.
Pouvez-vous nous décrire la façon dont se passe la culture du safran ?
C’est un travail manuel, long et minutieux. La fleur fleurit à l’automne. Il faut la cueillir, l’émonder et la déshydrater dans la journée. Il faut donc être très réactif. Ce qui n’est pas cueilli est perdu et ne peut pas se rattraper. Le travail doit être fait avec minutie car cela impacte sur la qualité du safran. Environ 500 personnes sont venues nous aider bénévolement cette année à planter et récolter.
Quel est le résultat de la récolte cette année ?
Nous avons un peu moins de 2000 m2 cultivés et nous avons récolté environ 700 g de safran. Cela peut paraître très peu mais en fait c’est beaucoup. Le safran se vend à toute petite dose de 0,1 gramme. Ce qui correspond à 15 fleurs et 45 filaments.
Quelle est la qualité du safran français ?
Le safran français est plus intense et plus puissant que celui d’importation parce qu’on le fait sécher de façon plus brève. Dans les pays chauds, il est séché à l’air libre. Il s’évente sans doute un peu. A Paris, à cause du climat, nous le séchons dans un déshydrateur. Nous apportons aussi beaucoup d’attention à la qualité de la terre et des nutriments. Grâce à tout cela, notre safran est de catégorie 1. La plus intense. Ceux qui sont importés sont de catégorie 4 ou 5. Nous travaillons avec de grands chefs et tous sont étonnés de constater à quel point notre safran est parfumé.
Comment reconnait-on un safran de bonne qualité ?
La qualité du safran n’est pas écrite sur les sachets mais ça se voit dans le prix. Il faut compter entre 30 et 40 euros du gramme pour un safran de qualité. C’est une plante chère à produire mais avec un safran de qualité il en faudra très peu pour parfumer un plat. Avec un safran moins cher, il en faudra beaucoup plus. Je recommande aussi de ne pas l’acheter dans un magasin. Achetez-le directement chez un producteur. Il faut aussi le prendre en filament et non en poudre. Si on peut le toucher, il doit teindre les doigts en jaune ! Le vrai safran est jaune. Si vos doigts sont rouges c’est un faux safran ! 50% du safran vendu sur le marché mondial est faux. On produit chaque année 150 tonnes de safran et on en échange 300 tonnes. Et cela depuis toujours.
Découvrez les safranières de Bien élevées
Vous pouvez acheter le safran directement sur le site de Bien élevées ou dans leurs points de vente parisiens comme Alma Grown in town
Vous avez envie d’en savoir plus sur la culture du safran ? Chaque année en octobre, Bien élevées organise des ateliers. Vous pouvez monter sur les toits, visiter la safranière et participer à la récolte en automne.
3 Comments
Désolée mais et la pollution ?
le safran doit être bien polluée par le CO2
. Pour moi personnellement ce n’est pas le meilleur endroit pour produire .
Bonne continuation
Bonjour Pascale, des études effectuées par Agro Paris Tech sur les fruits et légumes cultivés sur les toits ont montré que la pollution ne montait pas jusqu’aux toits des immeubles. Elle ne se trouve donc qu’en très faible quantité dans la production agricole urbaine. Bien élevée produit en bio, avec très peu d’eau et dans une terre spécialement étudiée pour la culture du safran et conçue avec les chercheurs d’Agro Paris tech. Leur safran a une qualité exceptionnelle. Je vous conseille quand même de le tester !
Bonjour
J ai découvert votre entreprise de culture de safran lors d une émission télé.
Le safran c est magique !
Je suis très intéressée pour partager votre expérience.
Je souhaiterais participer , bénévolement, à la cueillette et traitement des fleurs.
A votre disposition
Merci par avance
Laure Tissinier
Ltissinier@laposte.net