Herboristes et paysagistes : les Cueilleuses de paysages redonnent vie aux plantes sauvages
Lucile Chapsal est une cueilleuse de paysages. Sous ce joli nom se cachent trois jeunes femmes, toutes passionnées de jardins et de plantes médicinales : Lucile, Lise et Valentine. Herboristes, créatrices de jardins aromatiques, d’ateliers cuisines aux plantes sauvages, d’illustrations botaniques, de découverte des plantes médicinales, la démarche du collectif se résume en trois mots : cueillir, accueillir et recueillir. J’ai rencontré Lucile Chapsal, au jardin d’Amélie à Meudon. Elle y organisait un atelier fabrication d’un baume à base de feuilles de consoude.
Bonjour Lucile, qui sont les cueilleuses de paysage ?
Les « Cueilleuses de paysages » est un collectif qui réunit des paysagistes-concepteurs et herboristes. Nous sommes actuellement trois. Lise et moi nous sommes rencontrées à l’Ecole du Paysage de Versailles. Nous avons également été formées toutes les deux à l’herboristerie. Moi à Lyon et elle en Bretagne. Valentine nous a rejoint il y a quelques mois. Nous avions envie de faire le lien entre le jardin, le soin et le paysage. C’est ainsi qu’est née notre association.
Herboriste est un métier peu connu. D’où vous vient cette passion pour les plantes médicinales ?
C’est une histoire étonnante. J’ai commencé mes études par faire une licence Lettres et histoire de l’art puis un master en littérature médiévale. Rien à voir donc avec la nature !
Une nuit, j’ai rêvé que je tenais une herboristerie. Je me suis réveillée, j’ai appelé ma mère et je lui ai parlé de ce rêve. Elle m’a dit renseigne toi ! J’ai découvert la formation d’herboristes de Lyon. C’est une école en 3 ans qui se fait un week-end par mois. Mais il est compliqué de devenir herboriste. Je me suis donc lancée en parallèle dans une formation reconnue. J’ai fait un BTS aménagement paysagé. Puis j’ai passé le concours de l’Ecole ?Nationale du Paysage de Versailles. Je suis sortie en 2017.
Quelles activités proposez-vous ?
Derrière les Cueilleuses de paysages, il y a un grand nombre de projets. Le cœur de l’activité tourne autour du végétal et de la cueillette. En cueillant les plantes, nous sommes en connexion avec le vivant. Nous sommes dans une démarche active : se soigner et se nourrir pour nous connecter avec les lieux. Tous nos ateliers tournent autour du végétal. On embrasse l’ensemble du végétal et on voit ce que l’on peut faire avec.
Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ?
Nous organisons par exemple un atelier cuisine aux plantes sauvages. Je propose aussi des ateliers illustration botanique : apprendre à dessiner les plantes, les comprendre. Nous leur rendons hommage en les dessinant. Dessinez une plante et vous ne l’oublierez plus jamais ! Nous organisons aussi des ateliers d’herboristerie. Par exemple, ce matin, la consoude est à l’honneur. Cette plante à de nombreuses vertus médicinales ! Nous avons aussi des projets plus importants comme un inventaire floristique pendant deux ans dans le massif central. C’est un travail de cartographie. On sera plus côté paysagiste concepteur. Enfin, nous sommes concepteur de jardin. L’idée est de créer des jardins à cueillir et accueillant. On intègre des plantes médicinales, comestibles, utiles au jardin. Le potager du roi nous a demandé de réaménager une partie du jardin avec des plantes médicinales.
Avec votre formation d’herboriste, vous apprenez donc aux gens à se soigner avec les plantes ?
Les plantes médicinales sont ma passion. Je veux transmettre les connaissances populaires, l’herboristerie familiale, les remèdes de bonne femme qui malheureusement sont en train de se perdre. Comment faire des remèdes maison avec ce qu’on a dans le jardin ? Sans passer par la pharmacie ou des choses sophistiquées. De plus en plus de personnes veulent réapprendre ce savoir ancestral et universel. Ce qui se passe en France se passe aussi ailleurs. C’est un devoir presque citoyen. Il faut le faire tant qu’il y a encore des gens pour transmettre ces savoirs.
Parlez-nous du métier d’herboriste ?
Le travail d’un herboriste est de transformer les plantes dans le but de soigner. Pour cela, il utilise des formes galéniques c’est-à-dire des formes traditionnelles simples. En clair, un herboriste transforme les plantes sans avoir à utiliser un laboratoire. Il les sèche pour en faire des infusions et des décoctions. Elles peuvent être aussi macérées dans de l’huile ou de l’alcool. Dans ce cas, les plantes se boivent en sirop. C’est la médecine du peuple que l’on peut faire dans sa cuisine.
N’est-ce pas interdit en France ?
Seules les personnes titulaires d’un diplôme de pharmacien peuvent prétendre vendre et conseiller des plantes médicinales pour soigner. La législation est compliquée pour les herboristes. Officiellement, ils n’ont pas le droit de commercialiser des plantes médicinales sans diplôme de pharmacien. Pour les producteurs de plantes médicinales, c’est un vrai casse-tête. La loi est différente pour les baumes et pour les tisanes. Les premiers vont dans la catégorie des cosmétiques alors que les tisanes sont considérées comme des compléments alimentaires. Cela devrait pourtant être simple et accessible !
Vendre des plantes médicinales s’apparente donc à de la désobéissance civile ?
Oui, clairement. Il faut être courageux pour devenir herboriste. Nous ne sommes pas du tout encouragés par l’Etat. Le diplôme d’herboriste a été supprimé en 1941 par le maréchal Pétain. C’est pourquoi, les écoles donnent des certificats de suivi de formation. A Lyon, l’école utilise le nom d’herbaliste qui est le terme en anglais. Les vrais herboristes sont rares. Thierry Thevenin, cueilleur herboriste, est entrain de créer une formation de paysan herboriste qui devrait être diplômante. On n’est pas dans la vente en officine mais dans la production de plantes.
Mais y a-t-il vraiment une demande des consommateurs pour cette médecine naturelle ?
Il y a une grosse demande du consommateur. Il y a un regain d’intérêt pour les plantes médicinales ou comestibles. La FAO dit qu’on a perdu 75% de la biodiversité alimentaire en 100 ans. Nos goûts se sont terriblement appauvris. Qui sait aujourd’hui qu’il existe une cinquantaine de variétés de basilics différents ? Les plantes sauvages étaient la base de l’alimentation de l’homme. Elles ont plus de propriétés et de valeurs nutritives car elles poussent là où le sol leur est propice. Les gens veulent se réapproprier leur santé, les connaissances du vivant et des savoirs qui ont été perdus du fil du temps.
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