Vous achetez déjà des paniers bios, locaux et de saison. Vous honnissez les fraises et les tomates en hiver. Mais avouez-le, vous offrez des roses à la Saint Valentin. Pourtant comme les fruits et les légumes, les fleurs sont plus belles, plus odorantes et meilleures pour la planète si elles sont locales, bios et de saison. Cela s’appelle le slow flower, concept tout droit venu des Etats-Unis. Hortense Harang, créatrice de Fleurs d’ici en a fait son combat et développe depuis deux ans un réseau national de fleuristes et d’horticulteurs « made in France ».
D’où vous vient cette passion pour les fleurs ?
Cela ne vous aura pas échappé que je m’appelle Hortense ! Et, je dois avouer que ce prénom prédestiné contribue pas mal à ce que je fais aujourd’hui. Je viens d’une famille qui a depuis toujours l’amour de la nature. J’allais beaucoup chez ma grand-mère à la campagne quand j’étais petite. Elle et ma mère m’ont énormément appris sur les plantes. Si vous vous promenez avec moi dans la nature, vous pourriez penser que je suis botaniste. A 12 ans, je voulais être fleuriste et j’ai été voir le plus grand à mes yeux, Christian Tortu, pour faire un stage chez lui. Il m’a ri au nez et m’a suggéré de commencer par faire des études ! Finalement, j’ai fait Sciences Po. et je suis devenue journaliste puis chargée de communication. Mais par intérêt personnel, j’ai continué à observer ce secteur avec beaucoup d’attention.
Aujourd’hui près de 90% des fleurs vendues en France proviennent de l’importation
Qu’est-ce qui vous a fait changer de voie ?
Je ne comprenais pas pourquoi je ne trouvais pas les fleurs que j’aimais chez les fleuristes à savoir les fleurs du jardin. Je me posais des questions telles que : mais pourquoi les roses ne sont pas parfumées ? Pourquoi ne puis-je pas acheter des fleurs de lilas ou de seringat ? C’est comme cela que je me suis intéressée à la filière des fleurs et j’ai découvert avec horreur que c’était une filière très industrielle et particulièrement polluante. J’étais loin de m’en douter.
En quoi la production de fleurs est-elle mauvaise pour la planète ?
Aujourd’hui près de 90% des fleurs vendues en France proviennent de l’importation. L’industrie de la fleur est dominée par la Hollande qui après- guerre a massivement investi dans des serres chauffées et éclairées. A l’époque, c’était viable car le pétrole n’était pas cher. Mais entre temps, les chocs pétroliers ont fait augmenter les prix. Ils ont délocalisé la production vers des pays comme le Kenya, l’Ethiopie, l’Equateur et la Colombie. Ce sont des fleurs produites sous serre à grand renfort d’eau et de pesticide, cultivées par des femmes sous payées et exposées à ces produits de traitement dont on connaît les effets sur la santé. On injecte ensuite aux fleurs des produits à base de plastique. Bref, on les botox ! On les fige pour qu’elles puissent être conservées à 4°. Enfin, on les fait voyager par avion ou même parfois en bateau pendant 3 semaines. Voilà ! Vous imaginez l’impact carbone d’un bouquet de fleurs entre la production et le transport. Cela n’est bon ni pour les gens ni pour la planète. De plus, seules une quinzaine de variétés sont capables de résister à de tels traitements ce qui standardise beaucoup la production.
« Nous sommes une entreprise à mission qui s’est donné pour objectif la sauvegarde l’horticulture française. »
Comment avez-vous décidé de lutter contre ces fleurs d’importation ?
En regardant tout cela et je me suis demandée si il n’était pas possible de faire la même chose que dans l’alimentaire avec les circuits courts. Remettre du lien entre les producteurs et les consommateurs à l’échelle locale. Aujourd’hui nous sommes une entreprise à mission qui s’est donné pour objectif la sauvegarde l’horticulture française.
Il est important d’expliquer que de la même façon qu’il n’est pas bon de manger des fraises en hiver, ça n’est pas bon non plus d’acheter des roses à la Saint Valentin. Il y a une saisonnalité pour chaque fleur.
Vous êtes dans la mouvance slow flower, qu’est-ce que le slow flower ?
Le « slow flower » est dans la même veine que le « slow food ». Consommer moins, mieux, local et de saison. Il est important d’expliquer que de la même façon qu’il n’est pas bon de manger des fraises en hiver, ça n’est pas bon non plus d’acheter des roses à la Saint Valentin. Il y a une saisonnalité pour chaque fleur. La rose par exemple pousse de mai à novembre. Une rose en février ne s’épanouira pas et ne tiendra pas très longtemps. L’hiver, c’est la saison des plantes à bulbe : tulipes, jacynthe, amaryllis, jonquilles. C’est aussi le moment où tous les fruitiers commencent à donner des fleurs. On trouve de très belles fleurs toute l’année y compris dans les mois les plus froids.
Qu’est-ce que fait concrètement Fleurs d’ici ?
Fleurs d’Ici est un réseau de fleuristes qui livrent partout en France des fleurs locales et de saison. Nous sélectionnons ces fleuristes sur la base de la direction artistique. Nous regardons ce qu’ils font sur Instagram. Si le style « jardin anglais » nous semble cohérent avec les bouquets que nous voulons proposer, nous les référençons. Ils ont alors accès à notre market place digitale qui leur permet de s’approvisionner en fleurs locales. Nous avons aujourd’hui dans notre réseau 200 producteurs et 100 fleuristes.
Vous mettez donc en lien fleuristes et producteurs ?
Oui. Sur notre plate-forme, le producteur met une offre en ligne. Le fleuriste lui commande les fleurs dont il a besoin. Tout cela est devenu simple grâce au digital.
On est dans une logique de collaboration avec les producteurs. Nous ne leur demandons pas de droits d’entrée ni de chiffre d’affaires obligatoire. De plus, la commission est moins élevée que dans d’autres réseaux. Il n’y a pas non plus de contrat exclusif.
Des fleurs françaises coûtent-elles beaucoup plus cher que des fleurs d’importation ?
Non, pas du tout ! Les fleurs locales ne sont pas plus cher. Le producteur n’utilise pas de traitement phytosanitaire. Les serres ne sont pas chauffées. Il n’y a pas de transport. Tout cela fait faire des économies. C’est vrai, la main d’œuvre est plus chère. Mais les producteurs français jetaient jusqu’à 50 % de leur matière première par manque d’optimisation du circuit de distribution. Il ne savait jamais la quantité qu’ils allaient vendre à Rungis. Grâce à notre système, nous leur permettons de vendre quasiment sur pied car le fleuriste pré-réserve les fleurs. Donc l’horticulteur ne coupe plus à l’aveugle en disant, je verrais bien ce que je vends.
Les entreprises dans le cadre de leur politique RSE sont de plus en plus attentives à la provenance des produits qu’elles achètent.
Qui sont vos clients ?
80% de nos clients sont des grosses entreprises dont nous fleurissons les locaux. Les entreprises dans le cadre de leur politique RSE sont de plus en plus attentives à la provenance des produits qu’elles achètent. Les fleurs sont un bon vecteur pour faire passer un message car c’est la première chose que l’on voit. Dans tous les bouquets que l’on livre à vélo, il y a toujours un petit carton qui explique la démarche et qui permet à l’entreprise d’afficher ses valeurs.
Et les simples particuliers peuvent-ils aussi acheter ces fleurs locales et de saison ?
Oui bien sûr, tout le monde peut commander via notre site des fleurs françaises et durables.
Mais nous ne proposons pas de bouquets modèles comme nos concurrents. Nous sélectionnons nos fleuristes pour leur style. On vend une direction artistique façon « jardin anglais », vivant, plus naturel, avec des variétés différentes. On s’engage sur une taille mais pas sur un modèle. Les gens sont finalement contents de ne pas avoir le choix et de se laisser surprendre. Faites nous confiance, ça sera beau et durable !
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