En juin, je suis allée à la soirée végétalisons Paris qui avait lieu cette année à la mairie du Xème arrondissement. Au cours de cet événement des habitants du Xème sont venus témoigner de leur projet de végétalisation. Jean David était l’un de cela. J’avais aimé la façon dont il parlait de ses plantes. Dans sa bouche, les 3 pieds d’arbres qu’il végétalisait avec passion étaient devenus de magnifiques petits parcs foisonnants. Cela m’avait intrigué et je mourrai d’envie de discuter un peu plus avec lui. C’est ainsi que cet homme charmant et discret a accepté de me faire visiter son petit éden à deux pas du canal Saint Martin.
Jean David n’est pas un simple jardinier. C’est un passionné. Mieux, un amateur éclairé, comme il aime à se définir. Depuis 3 ans, il s’occupe avec amour de trois pieds d’arbre près de l’hôpital Saint Louis.
Mais il n’avait pas attendu les permis de végétaliser pour se mettre au jardinage. Il végétalise Paris depuis 30 ans. Non pas par altruisme, ni même par désir de rendre Paris plus vert. Non, simplement pour le plaisir de jardiner, de mettre les mains dans la terre.
« C’est aussi basique que cela. J’aime voir toutes les étapes de la croissance des végétaux. C’est un spectacle inouï pour moi. Et puis, le jardinage quand vous y êtes vous ne pensez qu’à cela. Je me remplis la tête avec tout ce champ sensoriel qu’apporte le jardinage : mettre de l’engrais, couper, arracher, tailler, aller chercher les plantes, les sacs de terre … J’y passe au moins une demi-heure par jour. C’est beaucoup de travail. Mais en réalité, ce n’est pas un travail, c’est un vrai plaisir ! »
Je n’ai pas de jardin alors je rivalise d’invention pour m’en créer un
Si vous passez rue Richerand, vous ne pourrez pas manquer les fenêtres de son appartement. Sans balcon, simplement sur le rebord de ces deux fenêtres, Jean David fait émerger une nature luxuriante. « J’ai un lien intime avec le monde végétal. Comme je n’ai pas de jardin, je rivalise d’invention pour m’en créer un. Lorsque je suis arrivé ici il y a 30 ans, je ne pouvais pas mettre de plantes dans mon appartement à cause de mes chats. Malheureusement les plantes et les chats ne font pas bon ménage. J’ai donc commencé à investir l’extérieur des fenêtres.
J’ai remporté le prix de la plus belle fenêtre de Paris. J’étais fier. Non, en réalité, je n’étais pas fier, j’étais heureux !
Sur le bord de la fenêtre, un mimosa, un jasmin, un rosier, un laurier rose, un albizia, une bignone, une sauge, des iris hybrides, de la glycine… Le visiteur qui passe dans la rue ne peut être que subjugué par ce mini jardin fougueux qui émerge de la fenêtre.
« j’ai même mis un cerisier ! Il fleurit tous les ans. Je l’ai depuis 15 ans. J’ai du faire des installations pour que tout tiennent. Les plantes sont attachées et tenues par des câbles. Lorsque je suis sur le canapé face à la fenêtre, j’ai l’impression d’être à la campagne !
Il y a quelques années, j’ai gagné le prix de la plus belle fenêtre du Xème arrondissement. J’étais déjà très heureux mais ensuite j’ai remporté le prix de la plus belle fenêtre de Paris ! J’étais fier. Non, en réalité, je n’étais pas fier, j’étais heureux ! Le Capes m’a fait moins plaisir que le jour où j’ai gagné ce prix. Et pourtant, il n’y avait rien à gagner. Cette reconnaissance non officielle me comble plus que n’importe quoi d’autre.
Le plus merveilleux, ça a été lorsque la mairie de Paris a lancé le projet végétalisons Paris
En 2009, j’ai investi toute la cour de l’immeuble. Je n’ai pas demandé l’autorisation à qui que soit. Personne ne s’en est jamais plaint car je finance tout. Je pense que les habitants de l’immeuble sont contents d’avoir cette verdure dans la cour. Mais le plus merveilleux, ça a été lorsque la mairie a lancé le projet Végétalisons Paris. Chaque année, je demande un nouveau pied d’arbre. C’est un bonheur la croissance des végétaux. Le végétal embellit tout. Les façades sont enjolivées, donnant l’équilibre à un bâtiment. J’ai un peu hésité pour le 3ème. Mais, j’en avais une telle envie irrépressible… J’ai craqué.
J’ai pioché, j’ai enlevé tout le bitume. J’avais au moins 2m3 de gravats
Autour de mes pieds d’arbre, je n’ai pas mis de coffrage, comme le font la plupart des gens car pour moi c’est comme si vous mettiez un pot de fleur autour du pied d’arbre. Pour le premier pied d’arbre, la mairie ne voulait pas m’octroyer le permis car il fallait faire des travaux. Je leur ai assuré que je paierai tout. Dès que j’ai dit cela, j’ai obtenu le permis. Mais quel travail ! Il y avait des grilles. Sous les grilles, j’ai du évacuer tout le revêtement stabilisé. J’ai pioché, j’ai enlevé le bitume. J’avais au moins 2m3 de gravats. J’ai cimenté les 4 coins du pied, j’ai mis des poteaux, j’ai cerclé à l’intérieur. Ca a été un travail énorme mais maintenant c’est du solide. Je voulais que ça soit pérenne.
J’avais envie d’un petit côté parc désordonné et buissonnant
Pour ces pieds d’arbre, j’avais envie d’un petit côté parc désordonné et buissonnant. L’idée du jardin de monsieur le curé, vous voyez ? On sent une petite recherche mais ça reste simple. C’est plus sophistiqué que ça n’en a l’air. Je n’ai mis que des arbustes car je voulais donner ce côté spectaculaire. Les arbres représentent pour moi le sommet de l’élégance du monde végétal. J’ai dû amener énormément de terre car il faut que la terre soit profonde pour les racines. Je fais surtout en sorte que mes petits jardins soient beaux tout le temps. Il s’y passe toujours quelque chose. Evidemment, la plus belle saison, c’est la fin du printemps avec les jacynthes, les narcisses, toutes les fleurs à bulbe.
Pour bien tout arroser il faut environ 1H30 !
Lorsque je pars en vacances, je paye quelqu’un pour venir arroser. Il y a toujours une leçon d’arrosage. Pour tout arroser il faut environ 1H30 ! Rien que pour le pied d’arbre en face de l’hôpital Saint Louis, je dois faire 7 allers-retours avec mes arrosoirs. C’est un vrai travail. Retrouver un arbuste mort, c’est un arrache cœur.
Chacune de mes plantes à une histoire
Chacune de mes plantes à une histoire. Par exemple, le marronnier. C’est une très belle histoire. Pas très loin du canal Saint Martin, un jour, j’ai remarqué en me promenant un marronnier dans un pot sur un petit balconnet. Je l’ai vu grandir pendant 20 ans. Il y a environ 5 ans, la personne a déménagé. Je m’en suis rendu compte car en passant devant une plate-bande du quartier, j’ai reconnu le marronnier. Son propriétaire avait du le replanter là en quittant le quartier. Mais je savais que si il restait là, il allait finir par mourir ! Ni une ni deux, je suis allé chercher ma bêche et j’ai ramené ce marronnier chez moi. C’est une histoire romanesque, non !
On ne m’a jamais rien volé. Les gens savent que c’est entretenu, surveillé
Je mets des plantes de valeur mais on ne m’a jamais rien volé car je suis tous les jours dehors. Je m’en occupe tout le temps. Le fait de me voir. Les gens savent que c’est entretenu, surveillé. Je me suis déjà accroché avec des personnes qui jetaient des sacs avec les excréments de leur chien. J’ai vu aussi des gens faire des bouquets avec mes fleurs au printemps. Mais je n’ai jamais eu de vols d’arbustes. J’ai de la chance.
Les plantes servent de relais entre moi et les autres
J’ai surtout beaucoup d’encouragement. Je suis un peu ours. Je ne me lie pas facilement. Mais les plantes servent de relais entre moi et les autres. Il n’est pas rare que les clients du café d’en face traversent la rue et viennent me voir. Parfois, on me contacte pour me demander des conseils. Ca me touche. En ce moment, j’aide une dame à végétaliser ses 3 fenêtres. Bénévolement, bien sûr. Depuis que la cour est végétalisée les employés du bar et du restaurant viennent y fumer leur cigarette et se détendre. Ca leur fait un petit jardin. Je suis ravi !
La passion c’est un peu comme une faiblesse que l’on s’accorderait. Dans la passion, il y a une déraison qu’on ne peut pas avoir dans son métier.
Je n’ai jamais eu envie d’en faire mon métier. J’aime mon métier d’enseignant mais ma passion ce sont les plantes. La passion c’est un peu comme une faiblesse que l’on s’accorderait. Dans la passion, il y a une déraison qu’on ne peut pas avoir dans son métier. Et je peux être très déraisonnable quand il s’agit de plantes. Cependant, je reste amateur et j’y tiens. C’est un joli mot amateur. Je ne connais pas les mots latins par exemple. Je ne suis pas un spécialiste plutôt un amateur éclairé.
La mairie a eu une idée merveilleuse avec Végétalisons Paris mais il faut être humble. Ca n’est pas facile.
La mairie a eu une idée merveilleuse avec Végétalisons Paris de demander aux parisiens de mettre du vert en ville. Mais il faut aussi les responsabiliser. On nous prête des lopins de terre pour les transformer. Souvent les gens abandonnent car on ne s’improvise pas jardinier. Il faut être humble. Ca n’est pas facile. Il ne faut pas penser que tout va être beau tout de suite. La mairie de Paris donne des cours à la maison du jardinage. C’est vraiment bien. Et puis il ne faut pas hésiter à demander des conseils à droite ou à gauche.
Leave a reply