Pascal Goumain est producteur de poissons (saumon et truite) d’élevage. Ah oui ? Et donc quel rapport avec l’agriculture urbaine et les jardins urbains, me direz-vous ? Il tente de développer en France un mode de culture originale : l’aquaponie. Un système qui lie la production de poisson et la culture de fruits et légumes et présente la particularité de pouvoir s’installer partout y compris sur nos terrasses. J’avais très envie d’en savoir plus sur ce mode de production que l’on dit également hyper écologique. Cet homme d’affaire passionné a eu la gentillesse de prendre un peu de son temps pour me rencontrer.
« Aquaponie » c’est la contraction d’aquaculture et d’hydroponie.
Qu’est-ce que l’aquaponie ?
« Aquaponie » c’est la contraction d’aquaculture et d’hydroponie. Cette technique permet d’avoir à la fois une production de poissons et de végétaux. Elle est adaptable à n’importe quel site : dans son appartement, sur des toits en pleine ville, sur des friches urbaines en zone péri urbaine ou à la campagne.
Un cercle vertueux qui permet avec la même quantité d’eau, de produire des poissons, des fruits et des légumes. Et bien sûr, sans recours aux pesticides !
Comment fonctionne l’aquaponie ?
L’aquaponie fonctionne en circuit fermé grâce à un système de pompe. Il nécessite deux bacs : un aquarium pour les poissons et un bac potager. Vous nourrissez les poissons. Les déjections des poissons riches en azote vont fertiliser l’eau. Par l’intermédiaire des bactéries, l’ammoniaque et les nitrites vont se transformer en nitrates et être ainsi assimilables par les plantes. Ils vont fournir un engrais liquide de qualité aux fruits et légumes et vont permettre l’épuration de l’eau. Cette eau ainsi nettoyée va revenir aux poissons. C’est un cercle vertueux : avec la même quantité d’eau, on produit des poissons, des fruits et des légumes. Et bien sûr, sans recours aux pesticides !
Notre objectif est de développer des fermes aquaponiques dans toute la France.
Peut-on installer ce système d’aquaponie à la maison ?
Oui, tout à fait. Nous avons créé des modules à destination des particuliers qui peuvent être mis sur n’importe quel balcon y compris les plus étroits, comme chez moi. Ce module est avant tout à but pédagogique. Notre objectif est de développer des fermes aquaponiques dans toute la France.
Pourquoi à but pédagogique ?
Lorsque nous faisions nos premiers essais en Anjou, ma fille de 8 ans a goûté une tomate et m’a dit : « Tiens, elle est bonne, elle ne sent pas le poisson ». Nous nous sommes dit que ça allait être sûrement être une remarque que nous allions souvent avoir. Nous nous attendions aussi à des phrases du genre « ah c’est nourri avec la crotte des poissons. »
Nous avons donc décidé de faire de la pédagogie en amenant la technologie chez les gens. La meilleure façon pour les préparer à consommer des fruits, des légumes et des poissons issus de l’aquaponie, c’est de les inciter à tester ce système chez eux. D’où le développement de ces bassins potagers. On en a vendu plus de 1000. Des écoles en ont acheté. C’est une mine d’or pour les enseignants car tout le programme de SVT peut être illustré avec cela : le cycle de l’eau, les végétaux, les poissons, les bactéries.
Le système est-il complexe à mettre en place ?
La complexité est d’équilibrer les deux compartiments : le végétal et le poisson. Si je mets trop de poissons, les végétaux n’ont pas la capacité à épurer l’eau et si je n’ai pas assez de végétaux, ils n’épurent pas l’eau. Si j’ai un déséquilibre dans l’un des deux compartiments, ça ne marche pas. Mais les petits systèmes aquaponiques tolèrent beaucoup d’écart. L’hiver typiquement, les poissons sont pratiquement en hibernation et ne mangent pas. Il fonctionnera alors au ralenti car les végétaux consomment moins et les poissons ne consomment quasiment plus. Mais malgré cela, vous pourrez quand même obtenir des légumes de saison.
Et qu’en est-il de la pollution ?
Les légumes des balcons parisiens peuvent être consommés. Toutes les études faites par Agro Paris Tech démontre que la pollution de l’air ne passe pas dans les plantes. Il faut cependant bien les nettoyer. Quand vous avez un sol pollué avec des métaux lourds, là c’est un problème car la pollution passe dans les racines et donc dans les plantes. La pollution atmosphérique, apparemment pas. C’est assez rassurant.
On a alors constaté que nous obtenons des fruits qui sont supérieurs et meilleurs en terme de goût que l’hydroponie.
Et au niveau du goût justement, qu’en est-il ?
On a démarré les essais en 2013 et dès 2015 on a implanté chez un producteur de fraises et de framboises un pilote. Nous avons mesuré la performance du système par rapport à l’hydroponie classique de fraises et de framboises. On a alors constaté que nous obtenions des fruits qui sont supérieurs et meilleurs en terme de goût que l’hydroponie. Ca a été une bonne surprise !
Et en terme de bien être animal ? Qu’en est-il de vos poissons ?
On utilise des truites dans nos bacs. L’espèce est domestiquée depuis un centaine d’année. Elle est totalement grégaire. Vous la mettez seule, elle est malheureuse. Ce n’est pas de la truite sauvage de rivière. C’est un animal domestique fait pour cela. Vous approchez du bassin, il s’approche de vous. Il n’est donc pas en situation de stress. S’il avait peur, il fuirait.
Nous créons en ville des petites fermes urbaines. La première s’est ouverte à Asnières récemment sur 400 m2 à l’intérieur d’un marché couvert désaffecté
Où en êtes-vous maintenant de vos fermes aquaponiques en France ?
Nous avons participé à des concours pour accéder à des espaces en ville. A Paris, nous avons proposé des projets dans le cadre de Parisculteur 1, 2 et 3. Nous avons gagné quelques projets. Nous créons en ville des petites fermes urbaines. La première s’est ouverte à Asnières récemment sur 400 m2 à l’intérieur d’un marché couvert désaffecté, « Les jardins du saumonier ». Nos fermes urbaines sont aussi des fermes magasins. Nous produisons et vendons en circuit court directement aux consommateurs. C’est comme cela que l’on a trouvé un modèle économique viable. L’idée est d’en développer un peu partout en France.
D’autres projets en aquaponie à venir ?
Nous avons aussi implanté des fermes périurbaines. Nous avons un projet à Aix les bains et un autre à Chartres. Les fermes vont faire jusqu’à deux ou trois hectares et elles vont aussi nous permettre d’alimenter nos fermes urbaines. Dans la logique de réduire le bilan carbone, comme il n’y aura jamais de grandes surfaces en ville, l’échelle périurbaine me semble très importante. Cette échelle permet d’alimenter le modèle urbain. On a quelque chose de bien d’un point de vue environnemental et qui a un sens d’un point de vue économique.
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Comment
L’aquaponie fait indéniablement partie des techniques d’agriculture du futur (et du présent). De plus en plus de particuliers et professionnels se lancent dans l’aventure et c’est un réel plaisir de voir cet engouement au service de l’avenir. Merci pour votre article.