C’est en photographiant le collectif Aux arbres citoyens que j’ai rencontré Agnès. Elle venait en voisine, donner un coup de main à l’équipe de jardiniers urbains de la rue de Bazeilles. Jean-René m’a tout de suite présentée en m’expliquant qu’Agnès était en train de créer un jardin partagé sur le toit d’un gymnase à deux pas d’ici. Et voilà ! Un nouveau jardin et une jardinière à photographier ! Nous avons échangé nos coordonnées et quelques temps plus tard, Agnès m’a montré son jardin. C’était en septembre. Il faisait beau et une petite parcelle était couverte de fleurs multicolores. J’ai pu photographier Agnès dans ce petit bout de jardin. Le reste n’était encore qu’un champ de terre, un jardin en devenir. Et puis Agnès a quitté Paris. Je n’ai donc pas pu continuer le travail avec elle. Mais j’ai repris contact avec d’autres membres du jardin via leur page Facebook et finalement j’y suis retournée en mars 2018. Le jardin avait bien changé. J’ai été chaleureusement accueillie par Julien et Joyce, les deux initiateurs du jardin de l’Ortolan mais aussi par toute l’équipe des jardiniers en herbe. J’y suis retournée trois fois ce qui m’a permis de voir l’évolution du jardin et les plantes poussées à vitesse grand V.
Nous avons pu financer ce projet grâce au budget participatif
« L’histoire a démarré il y a un peu plus de deux ans maintenant. A l’époque Joyce et moi faisions partie du jardin partagé du 4ème arrondissement. Mais Joyce habitait dans le 5ème. Comme il n’y avait pas de jardin partagé dans le 5ème elle est venue dans le 4ème. Un jour, elle est venue me voir en me disant qu’elle avait repéré un endroit dans le 5ème qui pourrait devenir un jardin. Mais ça allait sûrement être long et demander beaucoup de démarches administratives. Bref, ça avait l’air compliqué ! Quand elle m’a dit ça, je me suis dit bon ça c’est une mission avec mon nom dessus. Donc on y va !
Au départ, c’était un terrain vague. En dessous de nous, il y a une grande salle de sport. Il fallait donc réaménagé l’espace, faire des travaux d’étanchéité et le rendre entièrement sécurisé car nous allions accueillir du public. Ca a pris deux ans ! Deux ans de paperasse pour ouvrir ce jardin ! Nous avons pu lancer ce projet grâce au budget participatif. C’est comme cela que nous avons financé les travaux. Aujourd’hui nous sommes 35 membres sur une surface de 245 m2. Au niveau de la terre on a juste 30 ou 40 cm de profondeur.
Le but d’un jardin partagé est de créer du lien
Le but d’un jardin partagé est de créer du lien autour du jardinage en ville et faire en sorte que les gens se rencontrent. Ca doit rester une expérience collective. Ici la terre n’appartient à personne. On travaille ensemble car cela permet de créer quelque chose qui nous dépasse tous. On a divisé ce jardin en 6 parcelles et donc 6 équipes de couleur composées de 5 à 6 membres.
C’est beaucoup d’organisation. J’essaie de créer des groupes qui fonctionnent un peu tout seul avec un référent qui est le moteur de l’équipe. Tous ne savent pas jardiner, on a donc fait en sorte que les groupes puissent marcher entre eux.
On s’est vu en janvier tous ensemble pour décider ce que nous allions planter et faire un calendrier de plantation. Chaque groupe à travailler ensemble et à la fin de la réunion, on s’est dit voilà notre calendrier. Tout était décidé au mois de janvier.
Nous avons voulu intégrer la maison de retraite
Il y a une maison de retraite à côté du jardin. Nous sommes allés les voir et nous leur avons présenté notre mode de fonctionnement afin de voir si cela pouvait coller avec ce qu’ils avaient envie de faire. Certaines personnes sont très âgées et ont des capacités limitées. Il y avait deux solutions, soit nous les intégrions en tant que membre soit on leur proposait de faire quelque chose en parallèle qui leur permettent de travailler de manière plus légère et plus abordable. C’est ce qu’on a fait en leur donnant un petit coin du jardin sur lequel ils peuvent faire pousser des aromates. Nous nous occupons des travaux difficiles et eux de l’entretien.
A terme nous aimerions aussi impliquer l’école juste en face, faire venir les enfants et faire en sorte que les résidents puissent leur présenter leur coin d’aromates.
Tous ne viennent pas ! Loin de là. On a quelques personnes âgées qui viennent et qui participent à la vie du jardin. En fait, il y a surtout une dame, Séverine, qui est très impliquée.
On a tous envie d’apprendre, de mettre les mains dans la terre
C’est vrai que l’on pourrait croire qu’il n’ y a que des bobos (bourgeois bohème) qui viennent dans ce jardin. En fait, c’est très hétérogène en terme de personnes et d’âge. Il y a pleins de gens différents qui ont des connaissances différentes. Cela nous permet de confronter les points de vue. Personne ne se connaissait au départ. Ce qui est sympa c’est de rencontrer des gens qui ont tous quelque chose à apporter comme histoire, comme proposition. On n’est pas toujours d’accord, certains veulent arracher les pieds de tomates et d’autres voudraient les laisser encore sécher. Mais au fond tout cela n’a aucune importance. Si cela devait être source de tension et d’engueulade alors on passerait complètement à côté de l’essentiel. Il n’ y a pas d’enjeu. Pas d’idée de réussite ou d’échec.
En fait, on a tous envie d’apprendre, de mettre les mains dans la terre. On s’entraide et on essaie de faire en sorte que chacun ait une expérience réussie du jardinage. Quand il y a une récolte, chacun demande aux autres si ils peuvent ramasser, si ils en veulent. Rien ne se fait sans l’accord des uns et des autres. On pourrait avoir 50 ou 60 personnes mais alors on ne vivrait pas la même expérience du jardin partagé. Malheureusement on est obligé de limiter le nombre d’adhérents.
C’est merveilleux de voir pousser ce que l’on a planté
Moi je voulais faire quelque chose pour mettre du vert dans la ville. Je trouve qu’il y a jamais assez de vert et qu’il faut mettre du vert partout ou c’est possible. Pour la biodiversité et pour les gens car ça a un véritable effet thérapeutique. Socialement ça crée du lien. J’ai toujours voulu faire ça. En 2010, j’ai rejoins le jardin du 4ème. Ca a été une très bonne expérience pendant 5 ans et puis là j’ai eu l’opportunité de créer celui-là. L’année dernière on a fait du maïs. On en a fait de la polenta ! C’est assez émouvant de partir de la graine et de voir le résultat. C’est merveilleux de voir pousser une graine que l’on a plantée et de manger ce que l’on fait pousser.
Il faut être patient et passionné
Mes conseils pour créer un jardin partagé ? il faut être patient et passionné car ce type de projet s’inscrit dans la longueur. C’est important d’être à l’écoute des gens et des habitants. Mieux vaut avoir l’esprit ouvert pour garder le cap car l’idée n’est pas forcément connue et comprise de tout le monde. Il faut souvent rééexpliquer ce qu’on essaye de faire, comment ça peut marcher.
La mairie est toujours à la recherche de porteurs de projet. Si on va dans la mairie de son quartier, il y a toujours une porte ouverte. C’est vrai, il faut aussi beaucoup de ténacité. Par exemple la cabane que vous voyez là-bas, on nous l’a refusé pendant un an et demi. Un an et demi de débat et de réunions pour une cabane. Mais on l’a eu !
Nous faisons partie du réseau « Mains vertes », un organisme qui encadre les jardins partagés à Paris. Ils ont une charte que les jardins doivent respecter comme l’ouverture du jardin au public deux fois par semaine, ne pas utiliser de produits chimiques. Ici tout est bio, on utilise le compost. On a même fait un purain d’orties.
Le jardin est ouvert le samedi matin. Il faut nous faire signe pour ouvrir la porte. Venez plutôt en Juin, juillet, août , c’est le meilleur moment.
21 rue Saint Médard – 75005 Paris
Comment
Je suis passée samedi au jardin partagé le nid de l’ortolan. Il m’a inspiré ces quelques lignes:
Jardin partagé
En cette belle journée ensoleillée
Je poussai la grille du jardin partagé
Dahlias Monet et échevelé se disputaient
La première place du concours d’élégance
Avec morgue, ils toisaient les modestes œillets d’Inde
Drapés dans leur robe jaune
Il est bien connu que l’habit ne fait pas le moine
Au printemps ce serait les œillets qui les insectes chasseraient
Jardin bio s’il en est
Comme en chimie rien ne se perd tout se transforme
Les feuilles mortes ramassées au compost
Enrichir les massifs bientôt viendraient
Les capucines dansaient, emportées par le petit vent d’octobre
Tenez-vous bien leur intimait dame Amarante dans sa toge pourpre
Tu n’est vraiment pas marante, leur répondaient-elles
Sous leur mantille, les fèves poussaient
Promesse d’une belle récolte
Quelques tomates finissaient de rougir avant l’arrivée des premières gelées
Romarin, sauge, persil et ciboulette s’offraient pour agrémenter les plats du déjeuner
Une grosse courge verte assise au milieu
Semblait avoir été oubliée
Elle pourrait servir de tabouret à petit Marceau
La bas, au soleil se prélassait le chat
Snobant le petit homme
Les derniers zinnias aux couleurs métalliques
Profitaient des rayons de l’astre solaire
Plus tard on en récolterait les graines
Pour les semis du printemps
Dans quelques jours
Les oignons de tulipes
Seraient plantées pour se transformer
Au printemps en de jolies demoiselles
Parées de leur robe de bal de débutante
Les cosmos géants semblaient vouloir atteindre le ciel
Ils portaient bien leur nom
Chrysanthèmes jaunes et roses en liberté
Étaient enviés par leurs cousins du Luxembourg
Qui devaient se soumettre aux ordres des jardiniers
Qu’il fait bon vivre au nid de l’ortolan
Chuchotaient les plantes entre elles!
Pascale